La transformation
Au début, tu te sens
comme une jeune pousse pleine de promesse. Le teint lisse, la peau douce et
l’esprit ailleurs. Pleine d'avenir, tu te sens tout à coup remplie de bonnes
énergies. Sans même t’en rendre compte, tu avances à pas de géant vers ta
nouvelle vie. Tout en prenant le temps. Le temps de rêver, d’abandonner
certains projets pour en construire de nouveaux, le temps de te familiariser
avec ce qui va se passer, le temps de te prélasser, de te rassurer. Bref, le temps de te
préparer doucement mais sûrement au grand débarquement. A l’aube de ces neufs
mois, tu as l’impression d’éclore tout doucement. La jeune pousse devient bouton d’or…
Et puis, soudain, c’est
la transformation. Huit mois ont passé. Un matin, tu as du mal à bouger. Tu
clignes d'un œil, tu bouges un doigt puis deux. C’est comme cette sensation de se
réveiller parfois avec la tête tellement lourde qu’elle semble collée à
l’oreiller. Cette fois, c’est ton corps tout entier qui boude. Lourd et
engourdi, il te paralyse dans ton lit. Tu te sens figée. Comme greffée à un paquet de ciment,
comme si on t'avait posé une ceinture de chasteté en plomb, tu as l’impression d’être
retenu de force. Au secours, sortez moi de là, ôtez moi ce poids ou partez de chez
moi. Tu prévois de te lever d'un bond pour aller voir de près ce qui se passe. Mais
encore une fois, la réalité te rattrape. Il te faudra plus qu'un petit bond
pour te lever, il faudra faire le grand pont : tu te tournes, tu rampes,
tu te plies, tu roules et enfin tu finis ton ascension sur le côté. A peine
levée, déjà fatiguée. Cinq minutes de gymnastique plus tard, tu observes ce qui
se passe autour de toi : tes mains ont doublé de volume, tes jambes sont un panache
de couleur à elles seules. Violettes, roses ou blanches au gré de leurs
humeurs. Ça lance, ça gonfle, ça gratte, ça fourmille, ça brûle. Tu ne connais
aucune de ces sensations. Tu as comme l’impression que ton corps tout entier
t’est devenu étranger. Même certaines de tes émotions te font défaut. Mais quelle
mouche a bien pu te piquer ?
Tu lèves les yeux
et observes ton ombre dans le miroir. De haut en bas. Comme chaque matin, tout te revient. Tu te rappelles
d'un coup ce qui se passe en toi depuis quelques mois. A quelques pas de la
délivrance, tu ne peux te faire qu’un seul constat : en à peine quelques
mois, la jeune pousse est devenue cactus. Et bizarrement, malgré les milles et
une question qui fourmillent toujours en toi, tu ne vois plus les choses comme
avant. Après 12 tubes de crème super hydratante, 15 packs d'eau gazeuse, 6
tubes de crème solaire haute protection, 4 massages multi drainants, 2 petits
malaises, 25 bouffées de chaleurs, 4 crises de pleurs inexpliquées, 27 fous
rires incontrôlés, tu es prête. Cela ne fait plus l’ombre d’un doute. Le cactus veut redevenir bouton d’or. Qu'on
y aille une bonne fois pour toute. Qu'on en finisse une bonne fois pour toute.
La transformation a assez duré. Alors trêve de plaisanterie, de question sans réponse et
autre plans sur la comète, c’est fois c'est décidé : tu es prête à te mettre sur la ligne de départ, les deux pieds dans les starking blocks. Lâchez
les grandes eaux et dégoupillez les contractions. Faites-moi ce que vous voulez
mais bordel, enlevez-moi ce sac de béton…
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