Cot cot cot


La dealeuse de cocaïne a enfin sorti le nez de son trafic géant. Plus de poudre blanche à intégrer toutes les deux heures dans des boîtes en plastique. Désormais, c'est avec du temps libre et deux petits pieds à côté des tiens que tu continues d'avancer doucement, que tu regardes les heures qui défilent toutes tranquilles, que tu vois la vie qui s'anime et le monde qui se remplit gaiement. 

On dit souvent que grandir à côté d'un bébé, reviens à régresser, à gazouiller, à parler de couches à longueur de journée. Pourtant grandir à côté de ces deux petits pieds t'apprends à te regarder vivre tout doucement et à en apprécier les infimes moments de plaisirs, de joies, de rires, d'émotions aussi surprenants qu'uniques qui te font vibrer d'une rare intensité, en toute simplicité : chanter des comptines ridicules, te fâcher en te mordant les lèvres pour ne pas rigoler, donner du pain aux poules, lire toutes sortes d'histoires colorées, admirer les petites bêtes qui courent sur le sol à toute allure, écouter toutes sortes de musique, passer la matinée à laisser s'envoler le temps, ne rien faire sauf regarder ces deux petits pieds arpenter le monde aux quatre coins du salon, les regarder vivre, vibrer et danser juste là, à côté des tiens, la voir sourire de toutes ses dents à tes mimes ridicules, la regarder éclater de son plus beau rire devant ton cris de vache, ta danse de la poule... Autant de petits rien qui n'ont jamais été aussi source de bonheur.

C'est fou de penser à tout ce que peut provoquer dans ta vie ces deux petits pieds, ces deux mains toutes dodues, ces quatre dents de devant et tous ces cheveux en bataille. A y réfléchir, avant tu ne les voyais même pas ces instants, tu les balayais d'un revers de la main à la recherche du beau, du puissant, du fou, du grandiose. Aujourd'hui, ce qui rend ta vie si belle, si puissante, si folle, si grandiose, c'est tout simplement parce que tu partages tous ces moments et que tu les rends lumineux pour une autre personne que toi.

Depuis que ces deux pieds trottent dans ta maison, tu n'as plus besoin de chercher le bonheur ailleurs: il est là à marcher juste à côté de toi, à ramper à quatre pattes sur le carrelage, à s'accrocher aux portes de tes placards, à grimper les escaliers dès que tu as le dos tourné. Il est là à attendre que tu te réveilles le matin, il est là à t'attendre quand tu rentres du travail, il est là partout derrière chacun de tes pas, il est là à chaque instant où tu as décidé d'être présent, où tu as décidé d'ouvrir les yeux en grand. Désormais avec ces petits petons qui avancent encore à tâtons, il ne reste plus qu'à te laisser porter en toute simplicité.


Les yeux grands ouverts, le cœur en émoi et le rire jamais très loin, tu regardes ces deux petits pieds croquer, déguster, lécher, savourer et goûter chaque miette du monde. Les regarder s'éveiller te donne à chaque instant une chance inouïe à toi aussi: le pouvoir de t'émerveiller à nouveau de tout et de rien, surtout de beaucoup de petits rien qui te prouvent chaque jour que le bonheur ne tient pas à grand chose. 

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