Loin des marronniers.
La petite tête brune est
debout dans la grande cour de récré, les pieds bien droits sur le bitume
décoloré. Derrière elle, un brouhaha de cris et d'agitation semble danser dans
les airs. Pas de doute, ça sent le grand jour de la rentrée. Ce petit
homme sert de toutes ses forces la main de sa maman et regarde droit
devant lui. Il observe quelques enfants qui se sont rassemblés sous les marronniers. Il est partagé entre la peur de les rejoindre, de lâcher cette main
si réconfortante et de s'aventurer dans cette vaste école qu'il connaîtra
bientôt par cœur. Comme aimanté par les autres, l'enfant lance à sa mère un
regard apeuré, lui lâche la main et s'élance de tout son cœur. Du haut de son un mètre trente, son sac bien accroché sur le dos, il rejoint timidement ses futurs
camardes de jeu, ceux avec qui il va apprendre à rire,
à se chamailler, à pleurer, à compter, à aimer, à danser, à chanter, à vivre et
à grandir. Aujourd'hui, il ne le sait pas mais il va commencer une des plus belles
aventures de sa douce existence: l'école, les copains, l'apprentissage, la
découverte... Bientôt, il deviendra curieux, observateur, rieur et il croquera
la vie à pleines dents. Bientôt, il deviendra grand et traverser le portillon de son école ne
lui fera plus peur.
Une douce rentrée que ce
petit bonhomme au t-shirt rouge et au short bleu ne connaîtra jamais car
il s'est endormi pour toujours sur une plage abandonnée. Bien loin des coquillages
et crustacés de nos vacances, bercé par les vagues qui lui caressent doucement
le visage comme pour apaiser sa petite vie pour l'éternité, le petit homme ne vivra jamais sa première journée d'école. Il
ne connaîtra jamais le battement de la peur qui tambourine dans la poitrine, les
mains moites et la gorge serrée d’un premier jour de rentrée. Jamais, il ne
connaîtra ce sentiment de fierté et de joie mélangées une fois l'épreuve passée. Aujourd’hui alors que des milliers de petits écoliers ont vécu ce
grand jour, qu'ils sont enfin rentrés chez eux, le soir venu, pour se
réchauffer auprès des leurs, pour se rassurer que la vie continue comme avant,
pour raconter le cœur triomphant ces découvertes toutes fraîches, le petit
bonhomme au t-shirt rouge et au short bleu fuyant son pays en guerre avec sa
famille ne connaîtra jamais le bonheur de préparer son petit sac à dos, de
serrer une dernière fois la main de sa maman, l'œil fier, prêt à démarrer sa
grande et belle vie d'écolier.
Que les cloches de toutes les écoles du monde entier sonnent pour toi Aylan, 3 ans.
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